DE LA VILLE DE PARIS.
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estoient assis trois autres personnages, represen­tans, l'ung Janus à deux visages, le premier viel, le second jeune, signilfiant le temps passé et le present, de sa main gaulche, il tenoit une table toute blanche et en la droicte ung greffe ou stille pour escripre les occunmees qui se presenteront à l'advenir. Cestuy là esloit droictement dessoubz le Roy Loys, pour declairer sa grande sagesse et pro­vidence , par laquelle il mérita d'estre appelé le Pere du Peuple. Le second personnage estoit une Justice, tenant l'espéc nue en :a main, et soubz ses piedz la forme d'une bourse pour donner à congnoistre que le prince dominateir ne veult que pa* pécune soient aucunement corrompuz ceulx qu'il a consti­tuez pour faire droit à ses subgetz. Ceste là estoit dessoubz le Roy Françoys, lequel par sa doulce équité a sceu gaigner ld titre de Prince Clement en justice, et avec ce de restaurateur des bons ars et sciences, comme dessus est dict. Le tiers person­nage estoit ung Mavors , armé à l'eroïque, tenant la main droicte sur le manche de son espée et du bras gaulche ambrassant une targue à une teste de lyon, pour dénoter la Noblesse francoyse, tous­jours appareillée à offendre ou deffendre contre les ennemys de la couronne, quant les ocasions s'en offrent. Cestuy là esloit soubz les piedz du Roy Henry second, età bon droit y estoit mys, pour ce que c'est le pere des nobles. Ces trois avoient les piedz sur le dos des harpies qui representent vices, comme pour dire que sar vertuz les vices doibvent estre exterminez. En toutes les trois faces de la base y avoit les arines de France, enrichies du collier de l'Ordre et couronnées de couronnes imperialles; puis à l'entour du fot.s de lampe estant dessoubz lad. base, faict en faijon d'une rosace artistement ciselée, s'il en fut oncques, estoient les armes de la Ville, environnées d'ung roulleau portant ce mot :
Tumidis veus aquilone secundo'1'.
Voilla en somme quel estoit le present qui fut faict à Sa Magesté par mondict sr le Prevost des Mar-
chans, acompaigné des dessusdietz, lequel en luy présentant, luy feist la harangue qui ensuit :
"Sire, voycy le petit present que vos très humbles, très obeyssans, loyaulx et fidelles subgetz, les bour­geois, manans et habitans de vostre bonne ville de Paris, vous font par moy offrir, pour recongnoissance de si hault bien, dont il a pleu à Vostre Royalle Ma­gesté les honnorer par vostre joyeuse nouvelle, et Iriumphante entrée en icelle; vous supplians, Sire, en la plus grande humilité et reverence que je puis, combien que le present ne corresponde à la dignité du Prince tant excellant et magnanime, à laquelle ne doibt estre faicte de chose humaine comparaison, qu'il vous plaise le recevoir pour agreable et d'une volunté autant liberalle, comme de bon cueur il vous est presenté par ceulx qui, pour les plus grans biens qu'ilz sauroient désirer en ce monde, ne demandent à Dieu fors qu'il vous conserve en prosperité et eulx en vostre bonne grace. -
Le Roy receust led. present de bon cueur, comme évidemment manifesta la veue qui donnoit signe de liesse, pendant qu'il respondoit à lad. harangue de mond. 3r le Prevost des Marchans, tant bien prinse que myeulx ne povoit estre, singulièrement pour avoir exposé l'intencion de la manufacture, qui rememoroit les vertuz des deux monarques de la Gaulle, et leur enseignement utille pour faire d'ung Roy de France ung seul seigneur de tout le monde.
[Le Roi et la Reine au feu de la Saint Jean.] La responce achevée, mond. sr le Prevost des Marchans supplia la Magesté du Roy de se trouver le dimenche prochain, jour de la vigille saint Jean Baptiste, suyvant l'ancienne coustume de ses prede­cesseurs, en la place de Greve, devant l'Hostel de la Ville, pour mectre le feu au grant arbre préparé en la maniere acoustumée. Ce que led. seigneur acorda, et se trouva led. jour, avec la Royne, plusieurs princes et princesses du sang et autres, mist le feu aud. arbre d'une torche blanche; que mond. sr le
O La description de la jiièce d'orfèvrerie offerte au roi se trouve encore dans le marché conclu par-devant notaires, le 16 -mars 1549, entre le Prévôt des Marchands et les Echevins de Paris, d'une part, et quatre orfèvres nommés Hance Yonques, Thibault Lau­rent, Macé Bégault et Jean Cousin, d'autre part. Ceux-ci s'engageaient à avoir terminé ce vaisseau en se conformant à un devis qui leur serait fourni, pour le 5 mai, et se contentaient de six cents écus pour la main-d'œuvre. (Archivesnationales, K 957, n° 14.) Le registre de Comptes nous apprend qu'il leur fut payé par la ville io,o85 livres 6 sous io deniers tournois, tant pour le métal que pour la main-d'œuvre. La description du registre du Bureau est empruntée presque textuellement à celui des comptes; mais ce dernier donne en outre l'étit des changements et additions faits par les artistes, dans le cours de leur travail, aux dessins et devis primitifs, el, fournit les états précis des autres dons faits à cette occasion par la ville à plusieurs officiers domestiques de la maison du roi. (KK 286, fol. 113-118.)